Ophrys apifera

Cet Ophrys est certainement l'espèce la plus répandue en France. En effet, elle a un caractère pionnier marqué, et elle peut s'acclimater dans des milieux anthropisés. Elle est souvent présentes sur des pelouses, talus, espaces verts... régulièrement tondus, à l'insu de leurs gestionnaires. Elle y apparaît en quelques années, parfois en grand nombre. Pour la repérer, le mieux est d'inspecter au mois de mars, quand les rosettes de feuilles sont déjà grosses mais que l'herbe n'a pas encore repris sa croissance.  En plus de cette plasticité écologique, c'est aussi une espèce qui a une aire de répartition très vaste qui va du Royaume-Uni à la Turquie et au nord du Maghreb.

Morphologiquement, c'est une espèce facile à reconnaître. Son labelle brun foncé est petit, court et globuleux. Deux lobes latéraux forment des gibbosités poilues à l'extérieur. A l'extrémité, l'appendice est replié vers le bas et normalement invisible. Le champ basal est grand et orangé, il est entouré d'un dessin en forme de U brun bordé de jaune. Très souvent, 2 petits points jaunes sont présents sur le labelle. Le gynostème est proportionnellement grand, et se finit en une pointe allongée. Les pétales sont très petits et verts, alors que les sépales sont grands par rapport à la taille du labelle, larges, roses ou plus rarement blancs. Les sépales sont souvent rabattus vers l'arrière. 

La floraison est tardive pour un Ophrys, fin mai à juin dans la plupart des régions. Par rapport aux autres Ophrys généralement calcicoles et sur terrains secs, O. apifera est plus tolérant, il apprécie les sols argileux et parfois temporairement humides, ainsi que les sols couverts de mousse et d'herbes éparses qui se développent sur des friches ou des labours abandonnés. Il peut ensuite régresser si la végétation se développe et le concurrence.

O. apifera a également une autre particularité parmi le genre Ophrys, il est le seul à être normalement autogame. Ce caractère s'observe facilement, une fois la fleur épanouie les masses polliniques vont sortir de leur réceptacle puis se rabbattre vers la cavité strigmatique sous l'effet de leur poids. La fleur va ainsi être auto-fécondée, sans avoir à recourir à un pollinisateur. Ainsi, la quasi totalité des fleurs est fécondée, ce qui contribue à l'expansion rapide des populations quand elles apparaissent dans un biotope favorable. Malgré cette autofécondation, on rencontre des hybrides avec d'autres espèces, ce qui montre que des pollinisateurs "conventionnels" fréquentent ses fleurs. 




Si Ophrys apifera est globalement très stable morphologiquement à travers son immense aire de répartition, l'autopollinisation amène à l'apparition de nombreuses formes aberrantes plus ou moins prononcées, que les orchidophiles n'ont pas manquer de rechercher pour leur attribuer des noms : 

- chlorantha : fleurs dépigmentées 



- bicolor : labelle à base claire et extrémité brune nettement séparée



- fulvofusca : labelle uniformément brun



- aurita : pétales allongés et verts, labelle normal



- friburgensis : pétales longs (> à la moitié des sépales)  et de la même couleur que les sépales, labelle normal 



- botteronii : idem que friburgensis, et labelle +/- déformé 



- trolii : labelle aberrant réduit à une languette verdâtre



- curviflora : labelles à bords récurvés vers l'avant (quand la fleur est épanouie, ne pas confondre avec un fleuron en cours d'ouverture)