Somatochlora arctica

Somatochlora arctica (Zetterstedt, 1840) : la cordulie actique

Après plusieurs années d'attente j'ai enfin croisé le chemin de cette espèce dans une tourbière des Hautes Vosges. La rencontre a été furtive, après quelques minutes ce mâle qui partouillait aux abords d'une gouille presque assechée a été chassé par un mâle d'Aeshna cyanea et n'est plus revenu. 

Ce n'est que 5 ans plus tard que je vais la rencontrer à nouveau sur une superbe tourbière du Jura, et pouvoir observer le comportement de plusieurs mâles territoriaux ainsi qu'une femelle en ponte. 

Par rapport aux deux espèces de cordulies largement répandues (métallique et bronzée), S. arctica dénote par sa petite taille, sa couleur sombre paraissant quasiment noire de loin sur laquelle le vert brillant métallique des yeux tranche. De plus près on notera l'abdomen en forme de fuseau du mâle et les appendices arqués en forme de pince. La femelle a un abdomen uniformément épais. La distinction avec sa proche parente S. alpestris est beaucoup plus délicate sans une observation en main, ou d'un individu posé. 

Le nom de l'espèce trahit ses affinités pour les régions froides. On ne pourra la rencontrer que sur des tourbières à sphaignes où elle occupe les zones d'eau libre relictuelles (les gouilles), dans lesquelles elle pond et effectue son cycle biologique. Les conditions météorologiques font que le développement larvaire s'y déroule sur plusieurs années. Elle occupe aussi des eaux stagnantes acides et oligotrophes. En France elle est présente dans les massifs montagneux à l'exception des Pyrénées, ainsi que dans les Ardennes où elle est très menacée par le réchauffement climatique. Elles est plus présente dans les Vosges, le Jura et les Savoie.

Sa rareté lui vaut une protection et un suivi national. 

 

 

Epitheca bimaculata

Epitheca bimaculata (Charpentier, 1825) : la cordulie à deux taches

 Cette espèce est particulièrement discrète à l'état adulte, au point que le qualificatif d'espèce "mythique" lui a été souvent attribué, tant les observations sont rares. Toutefois, si l'on prospecte la rive des étangs à la bonne période, on peut se rendre compte que des centaines d'individus y émergent, laissant comme trace leur exuvie avant de se volatiliser. Ces prospections ont montré que l'espèce est plus répandue et abondante que ce qui était estimé. Il faut cependant passer au bon moment, car les éclosions sont synchronisées et 90% d'une population va émerger en quelques jours. L'exuvie est assez facile à reconnaître : assez grande (plus que pour Cordulia aenea qui émerge en même temps), avec de très longues pattes, de fortes épines dorsales et trois grandes pointes à lextrémité de l'abdomen. La larve est capable de parcourir des distances relativement grandes avant d'émerger, j'en ai déjà vu traverser des routes qui longent leur étang. Après l'émergence, l'imago va aller rejoindre les forêts environnantes, ou patrouiller au milieu des étangs, devenant furtif. En plus de 10 ans, je n'en ai vu et identifié que deux fois en vol ! 

La période démergence est donc la meilleure si l'on veut observer cette libellule en détail. Comme elle est précoce (émergence mi-mai environ), il arrive régulièrement que le temps soit frais et humide, et les néonates doivent patienter dans les herbes avant de pouvoir décoller ce qui leur laisse le temps d'acquérir leurs couleurs. Le mauvais temps peut aussi provoquer de gros dégâts en abîmant les ailes encore molles des émergents. On découvre alors un très bel odonate au corps brun orangé, rehaussé de noir sur le dessus de l'abdomen, avec des ailes fumées, et une tache noire triangulaire à la base des ailes postérieures qui contraste avec une membrane blanche. Le mâle mature a plus de noir sur le dessus de l'abdomen, et des appendices anaux en V. On peut la confondre avec Libellula fulva

L'aire de répartition en France est relativement limitée, allant des plaines du Grand Est à la Picardie, jusqu'au Massif Central et là la Bresse. Elle fréquente les plans d'eau, préférentiellement riches en végétation et bordés d'arbres, y compris des étangs piscicoles a priori peu favorables aux odonates.

Oxygastra curtisii

Oxygastra curtisii (Dale, 1834) : la Cordulie à corps fin

 J'avoue avoir un faible pour cette espèce, son corps fin et ses grands yeux verts ! Je n'ai malheureusement pas souvent l'occasion de l'observer, car si elle est assez répandue dans le midi, en Lorraine c'est une vraie rareté. C'est avec un grand étonnement que j'ai rencontré un tandem sur un coteau calcaire qui domine l Meuse, dans l'extrême sud du département du même nom. Après vérification, effectivement l'aire de répartition de l'espèce marque une extension vers le nord en suivant ce fleuve, jusqu'en Belgique où elle est très rare et en régression. L'espèce avait cependant été notée pour la première fois sur ce site l'année précédente (2007) bien que ce soit un espace protégé où des inventaires naturalistes sont menés réguli_rement. Je l'y observe depuis chaque été. Le l'ai croisée à plusieurs reprises ailleurs dans le midi, en particulier en Dordogne.

Cette espèce est facile à reconnaître quand on peut l'observer posée. Elle combine un corps fin avec une couleur de fond brun sombre rehaussée de taches jaune clair étroites et allongées longitudinalement, et des grands yeux vert vif jointifs typiques de sa famille. Le mâle a un abdomen plus étroit, renflé à l'extrémité et avec des taches jaunes plus réduites, ainsi qu'une cellules blanche à la base de chaque elle. La femelle a des ailes légèrement fumées. 

C'est une espèce principalement d'eaux modérément courantes, ou d'eaux stagnantes mais bien renouvelées et oxygénées, que l'on peut rencontrer à proximité des cours d'eau mais également loin à l'écart là où elle va chasser. Elle y alterne des phases de patrouille avec des pauses pendant lesquelle elle se pose à la verticale dans la végétation. 

C'est une espèce qui bénéficie d'une protection européenne et fait partie du plan national d'action pour les odonates, du fait de son aire de répartition limitée. Elle n'est vraiment fréquente que dans le midi de la France, dispersée dans la péninsule ibérique, très rare en Suisse, Allemagne, Belgique et Italie, et disparue en Angleterre et Pays Bas. 

Somatochlora metallica

Somatochlora metallica (Vander Linden, 1825) : la cordulie métallique

C'est la plus répandue des Somatochlora (appelées aussi chlorocordulies, par opposition à Cordulia aenea, la cordulie "tout court")  car elle a des exigences moins fortes sur son milieu de vie. La sous-espèce nominale fréquente une grande variété d'eaux stagnantes ou faiblement courantes, etangs, mares, lacs... des plaines jusqu'en montagne au-delà de 2000m. La sous espèce S. m. meridionalis par contre a une aire de répartion très limitée en France à des ruisseaux méditerranéens; elle se distingue par des détails de coloration.

La cordulie métallique doit son nom à sont corps uniformément vert... métallique ! 

 

 

Cordulia aenea

Cordulia aenea (Linnaeus, 1758) : la cordulie bronzée 

Seule représentante de son genre en Europe, la cordulie bronzée donne le signal du début de saison odonatologique dans le nord de la France. C'est en effet la première espèce à y émerger en masse sur les plans d'eau. Les émergences étant regroupées dans le temps, cet effet d'abondance est d'autant plus augmenté. Largment répandue, on peut la rencontrer y compris sur des étangs de pêche dégradés. Elle est présente partout à l'exception des plaines méridionales, et du massif alpin. 

Après les émergences, on pourra voir facilement les mâles, qui patrouillent inlassablement le long des berges à la recherche d'une proie ou d'une femelle, en marquant des pauses en vol stationnaire. Les femelles sont beaucoup plus discrètes. Comme pour les autres cordulies, il est rare de pouvoir observer l'espèce posée, d'autant plus qu'ils vont passer la nuit dans les frondaisons des arbres pour réapparaître après le lever du soleil.

On reconnaît le mâle à son abdomen marron sombre uniforme nettement en massue. Tout le corps a des reflets métalliques, d'où le nom donné à l'espèce. La femelle a un corps d'un diamètre plus régulier. De face, le front est vert metallique uniforme, sans tache jaune comme il peut y en avoir chez le genre voisin Somatochlora, et encadré par les grands yeux vert vif typiques de la famille.